La posture (asana), une fin en soi ?

La pratique du Yoga en Occident s’est développée depuis les années 60 autour de la pratique posturale, que l’on nomme Hatha Yoga, et qui se décline aujourd’hui en de multiples techniques (Ashtanga, Iyengar, Viniyoga…). Cette approche par le corps occulte souvent les autres dimensions du Yoga que sont la méditation (Raja Yoga), le chant de mantras (Bhakti Yoga), l’étude des textes sacrés (Jnana Yoga), ou encore l’action désintéressée (Karma Yoga). La posture - plus elle est spectaculaire, mieux c’est - est devenue une finalité et non plus un moyen : pratiquer le yoga se résume bien souvent à réaliser des positions du corps toujours plus complexes en ayant le sentiment d’avoir accompli quelque chose.

Mais le Yogi accompli est-il seulement un bon gymnaste ? Qu’est-ce qu’une posture maîtrisée en Yoga ? Pourquoi réaliser des postures ?

Qu’entend-on par asana ?

Etymologiquement, le mot sanskrit « asana » que l’on traduit par souci de simplification par « posture » correspond en réalité à la position assise, que l’on prend pour méditer ou pour contrôler le souffle. Si on élargit sa définition, le mot « asana » peut englober toute posture qui prépare à cette position assise. Ainsi, cette définition nous montre que s’il y a une finalité à trouver dans la pratique des asanas, cette dernière réside dans la position assise, peut-être la position qui paraît la plus simple. Je dis « paraît la plus simple » car cette posture soulève en fait de nombreuses difficultés pour grand nombre de pratiquants. Et c’est là tout l’enjeu de pratiquer une série de postures pour permettre au corps de s’étirer, de s’assouplir, de s’ouvrir, afin de ressentir un certain confort. En effet, si le pratiquant ne parvient pas à demeurer confortablement installé en étant assis en tailleur alors il aura beaucoup de mal à trouver le calme nécessaire pour aller vers des pratiques plus intérieures. La pratique posturale se révèle donc bien être un moyen et non pas un but en soi.

Sthira - Sukha

Les deux qualités constitutives d’une posture maîtrisée sont la fermeté, la stabilité (Sthira) et la douceur, l’aisance (Sukha). Patanjali, dans les Yoga-Sutra, considère qu’il n’y a pas de véritable posture en yoga si ces deux qualités ne sont pas réunies (II.46). On entend par fermeté la stabilité physique, la capacité à rester longtemps dans la position. Mais la stabilité, c’est aussi et surtout la présence au corps, l’attention portée au souffle, par opposition à l’agitation mentale. 

La douceur, quant à elle, réside dans notre capacité à être à l’écoute de nos sensations, de ce qui se passe dans le corps. Il s’agit d’adapter sa pratique à sa condition physique et à sa capacité de progression. Il ne doit pas y avoir d’efforts inutiles, de volonté à faire. La posture doit permettre de se libérer des tensions accumulées, et ne surtout pas en créer de nouvelles. En combinant cette attitude avec l’attention portée à la respiration, en lui permettant de se calmer progressivement, alors la détente peut émerger.  

Lorsque l’on parvient à faire cohabiter l’effort juste et la détente, à la fois sur les plans physique et psychique, l’état d’équilibre apparaît (sattva). La pratique posturale n’est donc pas seulement une pratique extérieure mais bien une expérience subjective, qui se vit à l’intérieur.

Par conséquent, on peut difficilement parler de posture réussie ou ratée ; car l’objectif ici n’est pas de se comparer, de juger d’une forme extérieure mais bien de ressentir la transformation subtile qui s’opère au niveau du souffle et de la conscience pour nous rapprocher de l’état de Yoga, l’état de Samadhi.


Bibliographie : Yoga-Sutra de Patanjali, Miroir de Soi - Bernard Bouanchand

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